Les pesticides sont désormais reconnus comme des substances susceptibles :
- d’augmenter les risques de cancer,
- de troubles neurologiques et du comportement,
- de diabète de type 2,
- de baisse de fertilité,
- d’atteintes du développement du fœtus ou du jeune enfant1, chez les animaux voire, pour certains, chez l’homme.
Voyons tout ceci plus en détails.
Table des matières
ToggleDes composés intermédiaires parfois plus toxiques que les pesticides eux-mêmes
Effets des pesticides sur le métabolisme
Une étude de 2018 a été réalisée sur des rats exposés pendant un an à 6 pesticides différents présents sur les pommes, à des doses considérées comme tolérables2. Une résistance à l’insuline est apparue après 4 mois, un surpoids chez les mâles après 6 mois et, après un an, leur poids avait doublé. Ils présentaient en effet une insulino-résistance et une atteinte hépatique (stéatose). Les effets métaboliques se sont avérés moindres chez les femelles, mais les auteurs ont relevé un stress oxydatif important associé à une altération du microbiote intestinal.
Effet des pesticides sur le microbiote intestinal
Une récente revue systématique a par exemple mis en évidence les effets de nombreux pesticides (organochlorés, organophosphorés, dichlorodiphényl trichloroéthane (DDT), les glyphosate, carbamates) sur l’équilibre bactérien3. Réciproquement, d’autres études ont quant à elles identifié une influence du microbiote sur la toxicité des pesticides (4/5). Les bactéries sont, en effet, capables de métaboliser certaines de ces substances et ainsi de moduler leurs effets sur l’organisme.
La dégradation des pesticides par le foie peut générer des composés intermédiaires
En effet, la dégradation des pesticides par le foie peut générer des composés intermédiaires plus toxiques que les molécules initiales en interagissant avec les structures cellulaires, y compris l’ADN. Certains pesticides, dont la toxicité a été mise en évidence, sont désormais interdits, à l’image du chlordane ou du DDT. Toutefois, leurs métabolites comme l’oxychlordane ou le DDE persistent dans l’environnement et s’accumulent dans la chaîne alimentaire. Les effets sont également variables selon les individus du fait du polymorphisme important existant au niveau des gènes de détoxication.
Le tissu adipeux joue par ailleurs un double rôle dans la toxicité de polluants organiques persistants, notamment des pesticides organochlorés. Non seulement il est à l’origine de leur stockage – beaucoup de pesticides étant solubles dans les graisses – mais il peut également les libérer constamment, en faible quantité et de manière chronique. De telles implications ne sont actuellement pas suffisamment appréhendées dans la recherche des effets des pesticides. Il s’agit d’une des raisons justifiant un travail de soutien hépatique en cas d’amincissement chez des personnes en surpoids ou souffrant d’obésité.
Connaissez-vous l’effet cocktail ?
Au sein d’un mélange de composés phytosanitaires, les effets peuvent s’ajouter, se réduire ou s’amplifier, de manière non linéaire, mais surtout non prévisible. Un tel effet peut notamment s’expliquer selon le principe dit d’hormèse, en particulier au niveau mitochondrial. L’effet cocktail peut de plus s’exercer à différentes étapes, pendant l’absorption, la distribution, le métabolisme ou encore l’excrétion des composés.
Une revue de littérature a recensé 78 études décrivant le type d’effet cocktail dans les pesticides :
- 33 ont mis en évidence un effet additionnel,
- 24 un effet d’interaction,
- 5 des effets antagonistes,
- 2 des effets de synergie.
- Seules 12 études n’ont montré aucune interaction.
Malheureusement, la politique réglementaire visant à définir des seuils maximaux d’usage des pesticides ne tient nullement compte des effets cocktails potentiels associés.
Cancers et exposition aux pesticides
La plupart des études menées sur le sujet ont mis en évidence une augmentation des risques de cancer chez les personnes les plus exposées, notamment en fonction du lieu de résidence (proches des zones d’épandage)7-12. Les cancers les plus concernés sont les lymphomes non hodgkiniens, les leucémies, les tumeurs cérébrales, les cancers hormono-dépendants, du poumon et les mélanomes. En milieu professionnel, les activités agricoles représentent les principales sources d’exposition. Certains pesticides sont d’ailleurs reconnus comme facteur de risque de maladies professionnelles (dérivés de l’arsenic, composés organophosphorés et hydrocarbures polycycliques). Le CIRC a ainsi évalué et classé une soixantaine de pesticides cancérogènes pour l’homme. Récemment, il a classé cinq pesticides comme probablement cancérogènes (groupe 2A), dont le glyphosate13. La chlordécone a été classée cancérogène possible (groupe 2B) par le CIRC en 1979. Elle serait notamment responsable de cancers de la prostate14,15.
Classification des risques cancérogènes par le CIRC de certains pesticides
Source : https://www.cancer-environnement.fr/326-Pesticides.ce.aspx
Maladies neurodégénératives et exposition aux pesticides
La maladie de Parkinson
Depuis plus de 40 ans, de nombreuses études épidémiologiques et toxicologiques mettent en évidence un lien entre le niveau d’exposition aux pesticides et les risques de développer une maladie de Parkinson.
Un des premiers composés incriminés fut le paraquat, un herbicide commercialisé depuis les années 1960. Il agit en tant qu’inhibiteur de la chaîne respiratoire mitochondriale induisant une toxicité des neurones produisant de la dopamine. C’est un neuromédiateur qui fait défaut dans la maladie de Parkinson. Selon une méta-analyse incluant 46 publications, les personnes fortement exposées, au cours de leur vie, aux pesticides présentent une augmentation du risque de développer la maladie de 62 %17. Certaines études ont même montré une relation dose-dépendante en fonction de l’exposition aux herbicides et aux insecticides. Une cohorte prospective connue dans le domaine de l’agrochimie – l’Agricultural Health Study – a mis en évidence que les risques de développer la maladie sont 1,7 fois plus élevés quand le pesticide inhibe le fonctionnement mitochondrial19.
Plusieurs familles de pesticides sont incriminées :
- les composés organochlorés en particulier18–20,
- le roténone, utilisé en agriculture biologique,
- le paraquat,
- le MPTP, le MPP+,
- le carbamate,
- le pyréthroide,
- l’heptachlore,
- l’agent orange (herbicide concentré en dioxine et utilisé par l’armée américaine lors de la guerre du Vietnam),
- les composés organophosphorés21-24.
En avril 2019, pour la première fois, un ancien employé arboricole, désormais décédé, a vu sa maladie de Parkinson reconnue comme maladie professionnelle.
Les composés phytosanitaires sont également pointés du doigt dans l’augmentation des risques de maladie d’Alzheimer25,26.
La sclérose latérale amyotrophique (SLA ou maladie de Charcot)
L’origine de cette maladie semble multifactorielle, associant des facteurs génétiques et environnementaux, dont l’exposition aux pesticides27–29.
Les troubles cognitifs et anxio-dépressifs et l’exposition aux pesticides
De manière plus générale, les troubles cognitifs (perte d’attention et de mémoire notamment) et anxio-dépressifs font également partie de la panoplie des conséquences potentielles identifiées à la suite d’une exposition forte et aigüe aux pesticides, en particulier aux insecticides organophosphorés. De nombreuses études mettent désormais en évidence les effets d’une exposition chronique à plus faible dose. Plusieurs cohortes prospectives incluant des centaines de personnes pendant plusieurs années ont identifié une altération des capacités cognitives au cours du temps dans le milieu ouvrier viticole. La cohorte Agricultural Health Study a par exemple mis en évidence une augmentation de 7 à 11 % du risque de dépression chez les agriculteurs, mais aussi chez leurs conjointes en cas de forte exposition aux pesticides organophosphorés. Une autre étude menée dans le Colorado a, elle, identifié un risque de dépression multiplié par 6 dans des conditions similaires. Plusieurs mécanismes sont suspectés de jouer un rôle dans la neurodégénérescence : un dysfonctionnement de l’activité mitochondriale, un stress oxydatif majeur et chronique, la formation d’agrégats protéiques (les plus caractéristiques étant les corps de Lewy impliqués dans la maladie de Parkinson) et une toxicité neuronale.
Risques accrus, en cas d’exposition aux pesticides, au cours de la grossesse
De nombreuses études épidémiologiques ont étudié les conséquences possibles d’une exposition prénatale aux pesticides sur le développement de l’enfant, notamment :
- des malformations cardiaques,
- de la paroi abdominale et des membres,
- des anomalies de fermeture du tube neural,
- un retard de croissance intra-utérine,
- des risques de diabète, d’allergie,
- de troubles de maturation sexuelle,
- de cancer et en particulier de leucémie.
Les résultats apparaissent toutefois hétérogènes, voire contradictoires. Pour des raisons éthiques évidentes, il est délicat d’exposer des femmes enceintes à des pesticides pour constater l’évolution de leur grossesse.
Risques de prématurité, de faible poids de naissance et d’anomalie congénitale
Une étude de 2017 menée par une équipe américaine de l’Université de Californie aide à y voir plus clair31. Cet État présente en effet la caractéristique d’être le plus grand consommateur de pesticides aux États-Unis, utilisant à lui seul près de 30 % de la consommation du pays. Les chercheurs ont compilé les résultats de 692 589 naissances entre 1997 et 2011 dans la vallée de San Joaquin, une région productrice de fruits et légumes. Ils ont ensuite pu croiser les données sur les zones d’utilisation des pesticides avec celles des naissances à proximité afin d’évaluer les risques de prématurité, de faible poids de naissance et d’anomalie congénitale. Les résultats ont été sans appel. Les risques combinés augmentent de 5 à 9 % pour les femmes les plus exposées, voire de 11 % de prématurité et de 20 % de faible poids de naissance pour le pourcentage de la population le plus élevé.
Ces résultats sont statistiquement d’autant plus intéressants que les biais potentiels (pollution atmosphérique, canicule) ont pu être écartés.
Risques d’autisme pour le bébé
D’autres études ont mis en évidence une augmentation des risques d’autisme à la suite de l’exposition à des pesticides interdits depuis des années, mais encore présents dans la chaîne alimentaire, comme le DDT.
Une étude publiée en 2014 par des chercheurs de l’université Davis de Californie a mis en évidence qu’une femme vivant près d’une ferme utilisant certains pesticides présentait un risque 66 % plus élevé de voir son enfant souffrir d’autisme, sans pour autant pouvoir établir de lien de causalité direct33.
Une autre étude de 2019 a analysé l’influence de l’exposition aux pesticides auprès de 2 961 patients diagnostiqués autistes et de 35 370 individus de la même année de naissance et du même sexe, nés dans une vallée agricole du centre de la Californie34. Selon les auteurs, l’exposition prénatale et infantile à 11 pesticides couramment utilisés (notamment le glyphosate, chlorpyrifos, diazinon, malathion, perméthrine, bifenthrine, bromure de méthyle) est associée à une augmentation du risque d’autisme, notamment dans les formes importantes.
Risque de troubles de la fertilité
Une exposition accrue aux pesticides semble également favoriser les troubles de la fertilité, autant masculine (diminution du volume séminal, baisse de la spermatogénèse, altération des taux de testostérone) que féminine37. Certains pesticides peuvent en effet se fixer sur un grand nombre de récepteurs de l’organisme, notamment hormonaux (œstrogènes et androgènes, thyroïde), raison pour laquelle certains pesticides ou leurs métabolites sont considérés comme de puissants perturbateurs endocriniens (alachlore, atrazine, bénomyl, vinclozoline, DDT, métoxychlore, chlordécone, dieldrine, endosulfan, chlordane, toxaphène, etc.).
En conclusion
La liste des effets pourrait s’avérer encore bien longue… Notamment du fait de l’altération du fonctionnement mitochondrial, de l’équilibre du microbiote intestinal et du stress oxydatif que génèrent ces composés. En toute logique, un tel constat amène donc à se poser la question de l’intérêt de privilégier les aliments issus de l’agriculture biologique.
Dans la prochaine Newsletter Permafood, Jean Joyeux abordera la question du « bon bio » et du « mauvais bio »… Il nous aidera à répondre aux questions :
- Comment s’y retrouver et que choisir ?
- Comment peut-on réduire les pesticides dans l’alimentation quotidienne (rinçage, trempage, cuisson vapeur) ?
Sources :
(1) Cravedi, J. P.; Darcy-Vrillon, B.; Esnouf, C.; Forget, F.; Gelin, S.; Renard, C. Contaminants Alimentaires : Approches Émergentes Pour Connaître et Prévenir Le Risque; Paris, 2018.
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