Privilégier les aliments d’origine biologique ou issus de producteurs locaux, s’inscrivant dans une démarche limitant les pesticides et autres intrants autorisés dans l’agriculture conventionnelle, paraît du bon sens, bien au-delà de toute considération nutritionnelle.
Consommer des produits de saison relève aussi du bon sens. En consommant des produits de saison, non seulement nous profitons pleinement de la saveur d’aliments, qui ont eu le temps de se gorger de nutriments au cours de leur culture, mais nous respectons également l’écosystème et l’environnement dans lequel ils évoluent. Un tel conseil peut paraître simple, mais il est encore trop peu appliqué. Il suffit d’observer les rayons de supermarchés, y compris de certains magasins biologiques, qui regorgent d’aliments provenant de l’autre bout de la planète et cultivés tout au long de l’année.
A ce titre, les produits d’origine biologique sont-ils de meilleure qualité nutritionnelle ?
La réponse théorique est relativement complexe à apporter dans la mesure où de grandes variations peuvent exister en fonction des aliments considérés, des modes de culture ou encore de l’origine géographique des aliments considérés.
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Toggle60 % d’antioxydants de plus dans les aliments d’origine biologique
Une méta-analyse de 2014 est particulièrement intéressante (10). Menée par des chercheurs de l’université de Newcastle et publiée dans le British Journal of Nutrition, elle est le fruit de l’étude de 17 333 références datées entre 1992 et 2011, de 343 publications évaluant les différences nutritionnelles entre les produits d’origine biologique et l’alimentation conventionnelle sur 182 paramètres.
Le résultat est alors sans appel pour les apports en antioxydants : les produits issus de l’agriculture biologique contiendraient en moyenne 60 % d’antioxydants de plus que l’alimentation conventionnelle, en particulier dans les fruits (+19 % d’acides phénoliques, +69 % de flavanones, +28 % de stilbenes, +26 % de flavones, +50 % de flavonoles et + 51 % d’anthocyanines). Cette méta-analyse conclut également à une teneur plus élevée en vitamine C.
De tels résultats sont cohérents et confirment ceux issus d’autres études, à savoir que soumis aux pesticides ou fongicides, les végétaux réduisent leur capacité de défense contre les agents infectieux, donc leur concentration en antioxydants.
Concernant les minéraux et oligo-éléments, les teneurs en chrome, dans les produits d’origine biologique, sont moins importantes de 59 % et de 8 % en manganèse, plus importantes de 95 % en molybdène, de 5 % en zinc et de 4 % en magnésium.
Les teneurs en hydrates de carbone (glucides) sont plus importantes de 25 %, les végétaux ayant le temps de développer davantage de matière sèche.
La teneur en protéines est plus faible de 8 % notamment du fait de sols moins riches en azote.
Autre conclusion plus attendue : cette étude met en évidence une moindre contamination en métaux lourds et résidus de pesticides dans l’alimentation d’origine biologique : 48 % de cadmium et 30 % de nitrates en moins. En moyenne, les teneurs en résidus de pesticides seraient quatre fois moins importantes dans les produits bio. Les teneurs en plomb apparaissent, elles, équivalentes entre les deux modes de culture, de nombreux sols étant contaminés. Il en est de même concernant l’arsenic.
Cette méta-analyse met par ailleurs en évidence le manque de standardisation des protocoles utilisés dans ces études, point essentiel pour disposer d’une comparaison pertinente et objective. J’ai eu l’occasion de la commenter dans un précédent article, il y a quelques années.
Une autre méta-analyse de 2012 analysant 237 études sur les végétaux parvient à des conclusions semblables.
Concernant les études portées sur des aliments issus de l’élevage, les résultats sont là aussi favorables sur le plan nutritionnel, notamment grâce à une teneur plus importante en oméga 3 et plus riche en antioxydants (caroténoïdes) du fait d’une alimentation issue de pâturages ou de foin.
Manger des aliments bio diminue-t-il le risque de cancer ?
Une analyse de la cohorte NutriNet-Santé de 2009 à 2016, intégrant plus de 69 000 personnes en France et publiée dans la revue JAMA a mis en évidence une réduction des risques de cancer chez les personnes adoptant une alimentation bio. De nombreux médias ont relayé l’information selon laquelle manger bio pouvait réduire de 25% les risques de cancer en comparaison d’une alimentation conventionnelle. Ce chiffre mérite toutefois d’être fortement nuancé pour plusieurs raisons :
- Il s’agit avant tout d’une étude prospective, ne permettant pas de réaliser des comparaisons objectives dans un cadre contrôlé,
- L’échantillon n’apparait pas représentatif de l’ensemble de la population française,
- La réduction du risque en valeur absolue, tous biais écartés, est en réalité de 0,6% et non de 25% (les chiffres les plus significatifs sont une réduction de 34% des risques de cancer du sein après la ménopause et de 76% concernant les risques de lymphomes, non hodgkiniens). Aucun bénéfice significatif n’a été mis en évidence pour les hommes, y compris chez les fumeurs, les jeunes adultes et ceux qui consomment déjà une alimentation équilibrée.
- Le système de recueil des données alimentaires est insuffisant pour être considéré comme fiable (3 questionnaires de 24h distribués de manière aléatoire pendant 2 semaines, validés uniquement sur la base déclarative).
- Dans ces résultats, l’alimentation bio est considérée (à tort) comme le seul facteur d’exposition aux pesticides. De même que l’origine des produits intervient sur de nombreux facteurs de santé autres que les risques de cancer.
Il n’en demeure pas moins, que cette étude a le mérite de sensibiliser, si ce n’est la population, au moins les médias, à l’importance de privilégier des aliments d’origine biologique dans le cadre de la santé.
Ne pas confondre : produits bio bruts et produits bio industriels
Promouvoir une alimentation d’origine biologique et locale, pour des raisons nutritionnelles, ne peut par ailleurs prendre son véritable sens que si elle est intégrée dans une démarche favorisant les aliments bruts. Il existe en effet une grande confusion sur ce sujet, confusion subtilement entretenue par certaines marques. Si vous décidez de changer votre pizza industrielle en pizza bio tout aussi industrielle, cette dernière contiendra, certes moins de pesticides, mais tout autant de corps de Maillard, de graisses, de sel, etc. que votre pizza initiale. Acheter un paquet de biscuits au rayon diététique sous prétexte que les ingrédients sont bio (ce qui n’est d’ailleurs pas toujours le cas avec les marques présentes dans ces rayons, vigilance) ne vous garantit en rien que la composition nutritionnelle sera de meilleure qualité.
Ainsi, soyez bien vigilants. Je vous conseille vivement de distinguer ce qui relève de la traçabilité et de la contamination en intrants d’un produit (pesticides, antibiotiques, fongicides, etc.) de la qualité nutritionnelle. Vous allez parfois payer une fortune des produits d’origine biologique, mais de piètre qualité nutritionnelle. Sans compter sur le fait que le label bio ne garantit en rien l’absence de pesticides, à l’image des résultats de l’enquête menée par 60 millions de consommateurs concernant les thés (voir mon article à ce sujet).