Cassons les idées reçues sur le soja

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soja

Le soja, paré de remarquables vertus nutritionnelles souffre néanmoins de nombreux préjugés injustifiés tant sur ses supposés dangers pour la santé que sur son impact environnemental.

Le soja est un aliment sain, excellente source de protéines

La graine de soja, Glycine max, appartient à la même famille des légumineuses que les haricots et les lentilles, mais est environ deux fois plus riche en protéines. Bonne source d’acides gras poly-insaturés, il dépourvu de cholestérol et de lactose et apporte aussi des vitamines et minéraux. 

De plus, le soja est la seule espèce végétale contenant tous les acides aminés essentiels, se rapprochant ainsi de la protéine idéale. Consommer du soja permet aux végétariens et végétaliens d’obtenir facilement des apports adéquats en protéines et permet aux gens qui mangent de la viande de rééquilibrer leurs apports vers plus de protéines végétales et moins de graisses saturées et de cholestérol.

En outre, les protéines de soja sont scientifiquement prouvées comme protectrice contre les maladies cardiovasculaires (à partir de 25-30g par jour) et probablement aussi contre l’ostéoporose.

Consommer des aliments au soja n’a aucun impact environnemental défavorable

Domestiqué en Chine, au Japon et en Corée, à partir d’une espèce sauvage, il y a entre 5000 et 9000 ans, le soja reste quasiment inconnu ailleurs jusqu’au XXème siècle.

Une fois arrivé aux Etats-Unis, puis au Brésil, il commence à être cultivé à grande échelle, apprécié autant pour sa faculté à enrichir les sols (le soja apporte naturellement de l’azote dans le sol et peut être cultivé aisément sans engrais, contrairement aux céréales) qu’à permettre une production d’huile à bas coût. En outre, on découvre rapidement que les résidus issus de l’extraction de l’huile (tourteaux) constituent une source de protéines très rentable pour l’alimentation du bétail. Ceci fait exploser la production de soja dans ces deux pays, qui est majoritairement faite à partir de variétés OGM. 

Actuellement, 95% de la production mondiale de soja est destinée à la transformation en huile, aliments pour le bétail ou biogaz. Tout ceci n’a rien à voir avec le tofu ou les yaourts de soja produits en France à partir de graines de soja cultivées en France, dans des filières responsables, souvent en agriculture biologique.

C’est plutôt en consommant de la viande ou des produits laitiers qu’on a de grandes chances de participer aux flux transcontinentaux de soja via l’alimentation animale. 61 kg, c’est la quantité moyenne de soja que consomme indirectement un Européen chaque année, via sa consommation de produits animaux. La France importe, majoritairement du Brésil, 90% de sa consommation de tourteaux* de soja. Les volailles de chair et de ponte sont les premières consommatrices de tourteaux de soja (44% du total) suivies par les bovins laitiers et mixtes (36%) et les bovins à viande (8%). Seules certaines filières de qualité s’engagent à ne pas utiliser de soja importé.

Le soja est sans risque pour les systèmes hormonaux chez l’adulte

Le soja contient des isoflavones, ou « phyto-œstrogènes », qui ressemblent aux hormones humaines et peuvent, dans certains cas, avoir un effet similaire mais atténué.

Chez les femmes  

D’innombrables études ont investigué sur les liens entre la consommation d’aliments au soja, ou d’isoflavones purifiées, et le cancer du sein. Beaucoup de confusions sont nées de résultats contradictoires entre :

  • des études épidémiologiques montrant que les femmes consommant le plus de soja, principalement en Asie, ont moins de cancers du sein
  • des études de laboratoires semblant montrer que des isoflavones purifiées peuvent accélérer le développement de tumeurs chez la souris

Depuis, toutes les études cliniques ont confirmé qu’il n’y avait aucun risque à consommer du soja pour les femmes ayant ou ayant eu un cancer du sein. Il n’est cependant pas indiqué de se mettre à consommer du soja dans le seul but d’améliorer le pronostic de la maladie.

Chez les hommes

Quant aux risques d’interférence avec les hormones masculines, les études s’accordent à ne trouver aucun effet négatif de la consommation normale de soja, chez les hommes adultes.

Chez les nourrissons

Concernant les nourrissons, les recommandations les plus prudentes avisent de ne pas donner de laits infantiles à base de soja.

Chez les enfants

De même, chez les enfants en croissance, le bon sens consiste à diversifier les sources de protéines, et à rester attentifs à la variété de l’alimentation des enfants végétariens.

Chez les personnes souffrant d’hypothyroïdie

Pour les personnes en hypothyroïdie, il est recommandé d’éloigner la prise par voie orale des comprimés d’hormones thyroïdiennes, d’un repas contenant beaucoup de soja.

En conséquence, la France a choisi une position très prudente en conseillant de ne pas dépasser une dose de 1 mg d’isoflavones par jour et par kilo de poids corporel, ce qui permet de consommer sans se poser de questions au moins deux portions de produits au soja par jour.

Aliments au soja : préférez la tradition !

Sous la dynastie Zhou (1050-256 avant JC), le soja fut désigné comme un des cinq grains sacrés, avec le blé, le millet, le riz et l’orge.

Avec l’essor du bouddhisme, et les périodes où la consommation de viande était proscrite, l’inventivité des moines chinois et japonais à développer une cuisine entièrement végétale a participé à la popularité du soja dans toute l’Asie.  

A cause de son goût naturellement amer et la présence, dans la graine crue, de substances empêchant sa bonne digestion, le soja a rarement été consommé entier, même bouilli. Il est donc plutôt transformé et éventuellement fermenté.

Ainsi sont nés, dès avant Jésus-Christ, le « lait » ou boisson de soja et le tofu.

Le tofu momen, kinu ou okara

Il est fabriqué à partir de haricots de soja réhydratés, broyés, cuits puis filtrés pour obtenir un liquide (tonyu ou « lait de soja »), qui est ensuite coagulé par du chlorure de magnésium (nigari, extrait du sel de mer). Le produit coagulé est alors filtré et plus ou moins pressé.

Les Japonais distinguent le tofu ferme momen «cotonneux», et le tofu non pressé kinu «soyeux». Même si les deux variétés se trouvent couramment en magasins bio, ils ne donnent qu’un faible aperçu de la diversité gastronomique du tofu au Japon.

Le résidu solide obtenu après filtrage du « lait de soja », appelé okara, relégué un temps à l’alimentation du bétail, a été réhabilité dans les cuisines et se trouve aussi en magasins bio. Il permet de bénéficier de toute la richesse en fibres et en minéraux du soja et constitue l’aliment anti-gaspi par excellence.

Le miso pour la soupe

C’est une pâte obtenue par fermentation d’un mélange de soja et de riz ou d’orge qui sert avant tout à la confection de la soupe miso, traditionnellement consommée à chaque repas au Japon. Le miso contient 13 à 20% de protéines, sous une forme très assimilable par l’organisme.

La sauce soja ou shoyu

C’est l’assaisonnement-roi de la cuisine japonaise, obtenue par fermentation longue (d’abord à sec puis en saumure) d’un mélange de haricots de soja cuits et de blé concassé.  Elle ne contient aucun additif, agit comme exhausteur de goût parfaitement naturel.

Le tempe

Il est originaire d’Indonésie et se compose de haricots de soja entiers cuits puis fermentés 1 à 2 jours. Il constitue un excellent substitut à la viande, hautement nutritif, très digestible et non salé.

Tous ces aliments fermentés traditionnels ont un point commun : ils incluent l’intégralité de la graine de soja, et sont obtenus par des procédés manuels ou artisanaux.  Ils sont consommés depuis des siècles, et ont toute leur place dans l’alimentation quotidienne comme excellente source de protéines végétales. Ils ont été introduits auprès des Occidentaux, d’abord de manière confidentielle via la mode de la cuisine macrobiotique, puis via la popularité de la cuisine japonaise et de ses bienfaits, mais aussi par le courant végétarien.

Attention aux aliments d’inventions récentes !

A l’opposé se trouvent des aliments d’inventions récentes, élaborés à partir de farine de soja, déshuilée par des procédés industriels. On y range les protéines de soja texturées (qui ressemblent à des granules ou des petites boulettes sèches, à réhydrater et incorporer dans des plats type bolognese pour remplacer la viande) mais aussi les isolats ou concentrés, composées à plus de 90 % de protéines, souvent utilisés dans les aliments pour sportifs. Evitez de surconsommer ce type d’aliments, ayant subi de multiples étapes de transformation, même s’il est sans danger d’en consommer occasionnellement.

Pour le soja, comme pour d’autres aliments, la bonne approche consiste à adopter une alimentation la plus variée et diversifiée possible. Le choix de ne pas consommer tel aliment ou groupe d’aliment résulte d’une réflexion qui prend en compte autant la santé, que l’éthique et l’écologie.


Sources :

  • Canivenc-Lavier M-C, Bennetau-Pelissero C. Phytoestrogens and Health Effects. 2023 Nutrients. 15(2):317
  • do Prado, F.G.; Pagnoncelli, M.G.B.; de Melo Pereira, G.V.; Karp, S.G.; Soccol, C.R. Fermented Soy Products and Their Potential Health Benefits: A Review. Microorganisms 2022, 10, 1606
  • Messina M, Duncan A, Messina V, Lynch H, Kiel J and Erdman JW Jr. The health effects of soy: a reference guide for health professionals. 2022 Front. Nutr. 9:970364
  • Zuo, X.; Zhao, R.; Wu, M.; Wan, Q.; Li, T. Soy Consumption and the Risk of Type 2 Diabetes and Cardiovascular Diseases: A Systematic Review and Meta-Analysis. Nutrients 2023, 15, 1358.

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