Les carences en micronutriments représentent une menace plutôt abstraite pour beaucoup de gens. Ces substances essentielles ont des rôles biologiques d’une telle complexité, qu’il est difficile de comprendre exactement ce qu’est une carence. Il est plus difficile encore de faire des liens précis, entre nos soucis de santé, et nos carences en un ou plusieurs nutriments.
Il convient donc de reprendre les choses depuis la base.
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ToggleUne carence, qu’est-ce que c’est exactement ?
Une carence est la manifestation pathologique d’un déficit en micronutriments. Le manque, de certaines de ces molécules « de la vie », va pénaliser, de façon plus ou moins visible, certains processus biologiques : réparation, fabrication, réception, transmission de message, etc.
Ces molécules, indispensables à des réactions biologiques, n’arrivent pas sur leur site d’action, qui se situe, bien souvent, au cœur des cellules. En effet, les micronutriments font un long chemin depuis l’assiette : à travers le système digestif, puis dans la circulation sanguine, dans les tissus et enfin dans le liquide intracellulaire. Une carence n’est donc pas un phénomène forcément visible immédiatement.
Comment reconnaît-on une carence en micronutriments ?
Les signes de carence sont très diversifiés selon les micronutriments dont on parle. Par exemple :
- Pour les vitamines B1, 2, 3, et le magnésium : la fatigue est très souvent évoquée ;
- Pour les vitamines B5 et 8, on parle plutôt de troubles cutanés. Ces troubles sont systématiques en cas de carences en acides gras essentiels ;
- En parlant de la peau, la vitamine C y tient un rôle majeur, trop souvent oublié, malgré son importance dans l’entretien de tous les tissus…
Au final, les signes visibles de carences ne sont jamais spécifiques d’un seul micronutriment. Ils nous orienteront, plus facilement, vers des carences multiples, comme c’est toujours le cas puisqu’aucun aliment ne contient un seul type de nutriment.
Quelles sont les causes des carences en micronutriments ?
On pense d’abord à un apport alimentaire insuffisant. C’est souvent le cas, mais bien d’autres causes de carences existent. Il faut aussi penser à une absorption insuffisante des micronutriments, qui est très fréquente dans les pathologies digestives. Par exemple, la vitamine B12 peut être l’objet de carence, à cause d’un problème à l’estomac ou au niveau de la partie terminale de l’intestin grêle. On peut aussi développer des carences à cause d’un défaut de stockage ou de redistribution des micronutriments, dans les maladies du foie. Et il ne faut surtout pas oublier de surconsommer les micronutriments en fonction de l’hygiène de vie et de l’état de santé de chacun. En effet, les besoins sont plus élevés chez une femme enceinte, un enfant en pleine croissance, une personne convalescente ou un pratiquant d’activité physique.
Combien de temps faut-il pour être carencé ?
Tout dépend des conditions de chacun, selon l’âge, l’état de santé, le niveau d’activité physique… Sauter un ou deux repas n’a guère de risque de provoquer une carence. C’est, le plus souvent, un déséquilibre relatif de l’alimentation, maintenu pendant plusieurs semaines à plusieurs mois, qui mènera aux phénomènes de carence. En effet, l’organisme possède des ressources insoupçonnées, permettant de recycler une bonne partie de ce qu’il utilise. En effet, sinon, il faudrait manger considérablement plus que nous ne le faisons. D’autre part, les vitamines comme les minéraux, les oligoéléments, les acides gras essentiels, tous les micronutriments travaillent toujours en collaboration étroite. L’apport de l’un permet, généralement, d’en économiser ou recycler un autre. Ainsi, la vitamine E sera surconsommée en cas de carence en vitamine C, ou le magnésium en cas de manque de potassium.
Peut-on quantifier les carences en micronutriments ?
Une prise de sang peut-elle détecter une carence ?
C’est une histoire souvent entendue : « mon médecin m’a prescrit une analyse, tout est normal, je n’ai pas de carence ». Conclusion rapide du patient dont le médecin n’a pas évoqué l’absence de carence, mais bien des valeurs normales des paramètres biologiques mesurés. En réalité, on ne peut guère compter sur les prises de sang pour certifier une carence en micronutriment essentiel. Il faut comprendre que l’on ne voit que ce que l’on mesure et que chaque mesure représente un coût, ce qui pousse le médecin à ne pas trop en demander, sans raison valable. En effet, s’il est effectivement possible de voir beaucoup de choses dans le liquide sanguin, les micronutriments, comme nous l’avons vu plus haut, jouent leurs rôles au cœur des cellules. En conséquence, les valeurs sanguines ne font que rarement foi pour évaluer les statuts micronutritionels.
Peut-on se baser sur les apports journaliers de référence (AJR) ?
Reconnaître ou diagnostiquer une carence en micronutriments n’est donc pas aussi simple qu’il pourrait y paraître. Calculer les apports et les confronter aux valeurs de référence ne peut pas être suffisant. La réalité des besoins est individuelle et devrait être estimée selon la masse corporelle, le niveau d’activité physique, l’état de santé et, parfois même, les traitements en cours. Les chiffres mentionnés sont le plus souvent en deçà des besoins réels.
Comment répondre au besoin en micronutriments de façon efficace ?
Le phénomène d’absorption des nutriments n’est pas simple. En effet, il s’agit essentiellement de phénomènes actifs, gérés par des récepteurs spécifiques.
Petit résumé rapide : le micronutriment est d’abord extrait des aliments, puis reconnu par son récepteur qui lui permet le passage vers la circulation. Or ces récepteurs en question sont en nombre limité. On ne peut pas partir du principe que tout ce qui est ingurgité sera forcément absorbé, surtout si on en apporte de grandes quantités. Pour certains nutriments absorbés, il faut aussi savoir qu’une partie de ce qui passe dans le sang sera directement éliminé par les voies urinaires.
Est-ce utile d’apporter de grandes quantités de micronutriment d’un seul coup ?
Non, apporter de grandes quantités d’un seul coup ne garantit pas forcément que l’apport est efficace, ni suffisant. Les apports répétés, à plusieurs reprises aux cours de la journée, offrent des garanties d’absorption bien plus intéressantes.
Par exemple, un grand verre de jus de fruits « à teneur garantie en vitamine C », le matin au petit déjeuner, ne peut en aucun cas suffire à protéger contre la carence en vitamine C. Il faut qu’il y ait d’autres sources de vitamine C aux repas suivants. Il ne faut pas oublier, d’une part, que le jus de fruit contient certes de la vitamine C en quantité garantie, mais souvent au prix d’un ajout, après pasteurisation des jus et que, d’autre part, on y trouve une quantité considérablement moins importante de fibres, par rapport au fruit entier.
C’est ce qui augmente fortement l’effet néfaste du sucre apporté par les jus.
C’est sans doute aussi ce qui contribue au retour du scorbut, dans nos régions du monde. Boire ces jus, sans consommer de végétaux crus, à chaque repas, est une erreur que l’on ne met pas suffisamment en exergue.
Les compléments alimentaires sont-ils la meilleure solution anti-carence ?
La solution des compléments alimentaires est bien loin d’être parfaite. On supplémente, en un ou plusieurs micronutriments, sans avoir la certitude que l’on répond au besoin réel, de façon efficace. Parfois, la dose apportée est insuffisante et donc inopérante, d’autre fois, elle est excessive et amène des troubles digestifs… Et pour finir, les micronutriments n’existent jamais sous une seule forme. Par exemple, dans la nature, la vitamine E existe sous 8 formes différentes : vous en trouverez plusieurs dans une huile végétale non raffinée, contre une seule dans un complément alimentaire de bonne qualité.
Morale de l’histoire : tournez-vous vers les aliments bruts
On gagne toujours à construire de bonnes habitudes alimentaires, à partir d’aliments bruts, de la meilleure qualité possible et donc issus du mode de production le plus naturel possible. En effet, les micronutriments sont présents dans les aliments en fonction du milieu dans lequel ils sont cultivés. L’image se prête plus au monde végétal, mais il faut bien constater que tout part de là ! Plus on force la croissance des végétaux, moins ils en sont riches et plus, on les protège, moins ils contiennent de micronutriments.
Laissons donc au vent, au soleil, à la pluie, au chaud et au froid le loisir de chahuter nos futurs aliments pour qu’ils nous préservent au mieux des carences.