Hildegarde cite ces deux aliments, de nombreuses fois tout au long de ses ouvrages, pour leurs vertus subtiles. Ils sont souvent en association avec d’autres. Cependant, pour l’un, comme pour l’autre, elle nous précise que ce sont des aliments à consommer avec modération.
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ToggleLe Sucre, décrit par sainte Hildegarde, est un sucre brut et non raffiné
« Le sucre, quand il est encore brut et n’a pas encore été préparé pour l’usage des Hommes, doit être desséché, en été au soleil, en hiver sur une pierre chauffée au four : une fois sec, si on en prend dans les aliments ou la boisson, il réconforte. »
A l’époque d’Hildegarde, le sucre était une denrée précieuse et rare. Il était difficile de le consommer avec excès. Alors que pour notre époque, au contraire, on trouve du sucre blanc, raffiné, partout et en trop grande quantité.
Pourquoi le texte d’Hildegarde sur le sucre peut surprendre ? Un peu d’histoire…
Pour Hildegarde, le sucre est un aliment qui réconforte
Pour l’abbesse, le sucre est considéré comme un élément qui réconforte et soigne les maladies du cerveau ou de la poitrine : « Si on souffre du cerveau ou de la poitrine, et que l’on est si pris que l’on ne peut ni se soulager ni évacuer, manger ou boire du sucre : cela purge le cerveau et donne à la poitrine la possibilité de se soulager. »
Ce conseil est étonnant et bouscule nos habitudes, même si nous connaissons tous le côté réconfortant du sucre. Depuis la médecine hippocratique jusqu’à la fin du 16e siècle, le sucre est classé parmi les aliments qui « soignent ».
La médecine arabe introduit le sucre dans la pharmacopée comme en cuisine. Selon les mélanges de produits, ils fabriquent des médicaments ou des confiseries : « bonbons médicaments », confitures stomachiques (pour digérer), fruits confits, sirops, etc.
Les confitures, les électuaires, les gelées et les pâtes de coing sont des « médicaments à sucer » d’origine mésopotamienne, puis repris par la médecine hippocratique, celle de Salerne et du Moyen Age.
Exemples de remèdes à base de sucre chez Hildegarde
Comme nous le disions plus haut, le sucre est également présent dans un certain nombre de remèdes proposés par Hildegarde. Par exemple :
- Confiture de prunelle : « Quant au fruit (du prunelier), adoucis-le avec du sucre pour en manger souvent, et la goutte disparaîtra en toi. »
- Au chapitre sur le hoquet : « Celui qui souffre du hoquet prendra beaucoup de sucre qu’il fera fondre dans de l’eau chaude, et il boira cette eau chaude, parce que la chaleur du sucre, mêlée à la douceur de l’eau chaude humidifie le sec que le froid du hoquet apporte à l’homme (…) »
Que dit aujourd’hui la médecine à propos du sucre ?
C’est à partir du 17e siècle, que la médecine prend conscience des dangers d’une surconsommation de sucre. Puis, à partir du 19e siècle, le sucre devient un produit quotidien. En effet, il devient accessible à tous car de moins en moins cher grâce à la production industrielle.
Aujourd’hui, son côté curatif n’est plus du tout reconnu par la médecine moderne. Au contraire, la consommation excessive de sucre blanc et raffiné est particulièrement néfaste pour la santé. On sait qu’il est responsable de certaines maladies du monde moderne (obésité, surpoids, diabète, etc.).
Les conseils d’Hildegarde en matière de modération et de tempérance sont particulièrement pertinents avec cet aliment. Si on veut consommer du sucre, Hildegarde nous recommanderait de l’acheter brut et non raffiné.
Bon à savoir : La cannelle, qui est une des épices de la joie, est une excellente alternative au sucre. Légèrement hypoglycémiante, elle est recommandée notamment pour les diabétiques. Elle peut remplacer le sucre dans les boissons chaudes. Elle peut aussi être saupoudrée sur les aliments ou sur les tartines, à la place de la confiture.
Le miel, un paradoxe chez sainte Hildegarde
Le chapitre sur le miel est négatif et le miel peu vertueux.
L’article d’Hildegarde consacré au miel, comme aliment, est bref et plutôt négatif. Pour l’abbesse, les personnes maigres peuvent le manger cru. Les personnes fortes doivent le consommer avec modération.
“Si un homme qui est gras et a des chairs épaisses mange souvent du miel, il provoque en lui de la putréfaction. Si c’est un homme maigre et sec et qu’il le mange cuit, cela le rend malade. Si on le mange en rayons, avec la cire, il provoque de la mélancolie et rend malade; il alourdit l’homme et augmente sa mélancolie.”
Dans d’autres chapitres, Hildegarde parle des nombreuses vertus subtiles du miel
Il est très intéressant de découvrir, à travers les pages de la Physica, que le miel est cité plus de soixante fois comme constituant de remèdes internes ou externes, par exemple :
- Le miel à la farine de châtaigne : pour “celui qui souffre du foie »
- Le miel à la racine de plantain “s’il arrive à quelqu’un de se fracturer un os.”
- Presque toutes les boissons aux plantes composées par Hildegarde contiennent du miel
- Les électuaires aux poires ou au galanga sont additionnés de miel
Elle parle même de la douceur et de la chaleur du miel dans le Causae et Curae, ou de ces arômes délicieux. En voici 3 extraits :
- « Et la chaleur du miel qui a été extrait de diverses fleurs tempère le froid du flegme »
- « parce que le miel est chaud et doux »
- « On ajoute du miel et du vinaigre pour que leur arôme rende cette boisson bonne à boire »
Les vertus du miel sont décuplées, lorsqu’il est utilisé en synergie
Ainsi, associé à des plantes, du vinaigre, du vin, des épices ou d’autres condiments, le miel possède alors de nombreuses vertus curatives. On trouve même une recette de cataplasme à base, entre autres, de miel pour les plaies.
Nous comprenons donc que pour sainte Hildegarde, comme le thym ou l’hysope par exemple, le miel ne doit pas être consommé seul, mais toujours en association.
En conclusion, nous comprenons qu’Hildegarde n’utilise pas le miel pour les vertus thérapeutiques que nous lui prêtons aujourd’hui mais pour sa chaleur et sa douceur, ses vertus subtiles.
Les vertus du miel sont reconnues de nos jours.
La naturopathie et la diététique moderne considèrent le miel comme un superaliment, et même parfois comme une médecine, aux côtés des autres produits de la ruche.
Composition du miel
Le miel contient essentiellement du sucre, majoritairement du fructose, et principalement des sucres simples facilement assimilables. Il contient aussi :
- De nombreux minéraux
- Un grand nombre de vitamines, (essentiellement les vitamines B1, B2, B3 ou vitamine PP, B5, B6, C, et accessoirement les vitamines A, B8 ou vitamine H, B9, D et K)
- Des enzymes
- Plusieurs facteurs antibiotiques naturels, regroupés sous le nom générique d’inhibine
- Des substances aromatiques ayant des propriétés médicinales
- Des antioxydants, majoritairement des flavonoïdes
Les vertus du miel reconnues s’il est consommé avec modération
On sait aujourd’hui que le miel a un effet prébiotique, en grande partie attribuable aux oligosaccharides qui stimule la croissance et l’activité des lactobacilles, des bifidobactéries et de la microflore intestinale humaine.
Le miel a un effet antibactérien.
Dans son Traité des affections, Hippocrate écrivait : « Le vin et le miel sont merveilleusement appropriés à l’homme, si en santé comme en maladie, on les administre avec propos et juste mesure, suivant la constitution individuelle. »
Les affirmations d’Hildegarde et d’Hippocrate n’ont rien perdu de leur validité : le miel doit être consommé avec modération en raison de sa richesse en sucre. Le miel en excès pourra être facteur de maladies chroniques :
- En cas de diabète instable, difficile à équilibrer
- En cas de surpoids avec toutes ses conséquences
- Pour les porteurs d’hyperlipémies associant des anomalies métaboliques et lipidiques sévères
Les nourrissons et jeunes enfants en dessous de 24 mois doivent éviter de consommer du miel. En effet, le miel peut contenir des germes résistants. Il y a donc un risque de botulisme pour le bébé à cause de son système immunitaire immature.
Il est à noter aussi que certains naturopathes, dont Robert Masson, considèrent le miel comme inhibiteur de digestion par la présence d’acide formique et recommandent de prendre le miel seul en dehors des repas.
Comment choisir et consommer le miel ?
On trouve aujourd’hui toutes sortes de miel, avec des niveaux de prix de vente très différents. Préférez toujours le miel acheté en direct auprès de l’apiculteur travaillant avec des méthodes de soin naturelles. Les mélanges de miel, même étiquetés biologiques, en provenance de lointaines contrées, sont de moindre qualité.
En conclusion
Il faut retenir que, pour Hildegarde, le sucre et le miel sont des aliments à consommer avec modération. En revanche, dans ses remèdes, elle utilise l’un ou l’autre de nombreuse fois (surtout le miel). La synergie de ces aliments avec des plantes et des épices est donc intéressante et même indispensable à ses yeux.
Petit rappel Historique
Il est intéressant de savoir que les deux chapitres qui traitent du miel et du sucre, dans la Physica, sont susceptibles d’être un ajout au texte originel d’Hildegarde.
En effet, certains chercheurs soulignent qu’il est possible, mais non prouvé, qu’Hildegarde avait comme projet que son œuvre soit complétée après sa mort, comme ce fût le cas pour d’autres œuvres contemporaines à l’abbesse.
C’est ce que nous apprenons en lisant les travaux de Laurence Moulinier, médiéviste et spécialiste de sainte Hildegarde : “cette œuvre, de toute évidence (…), rassemble des connaissances étalées sur divers siècles, et les informations puisées par Hildegarde chez ses prédécesseurs y côtoient celles qu’ajoutèrent ses continuateurs”. Tout ce qui y est écrit ne vient pas forcément seulement d’Hildegarde. Cependant, elle en est, de façon certaine, l’initiatrice et en a rédigé une grande partie.
Laurence Moulinier explique très bien qu’il y a comme une rupture au milieu du Livre des plantes de la Physica : jusqu’au chapitre 172, l’ordre est respecté et cohérent, mais après, des doutes subsistent. Certains chapitres placés au milieu du Livre des plantes ne correspondent pas à des plantes.
Emplacements : du sucre : livre des plantes chapitre 179, du miel : livre des plantes chapitre 178
Références :